samedi 6 décembre 2014

Conversation avec son imaginaire - 2/ Le Kay

Voici la suite des conversations imaginaires avec un des personnages issus du roman "L'Apocalypse d'Arkahn". Ici, un homme prénommé Le Kay.

Le Kay fut un acteur de premier rôle oeuvrant pour le changement, il y a très longtemps dans un empire galactique. Artiste, empereur, père, fils, paria, adoré puis honni. Il traversa les âges, les marquant d'une empreinte passionnée. Transcendant la mort, sa vie s'épanouit dans autant d'incarnations que de défis qui se présentent à lui. Il est un mythe, une légende, un souvenir polymorphe.

"Le Kay" pour un voyage dans l'espace-temps.

Je l'invoque, célébrité oubliée du fin fond des âges, idéal perdu dans nos mémoires. Il est déjà là, attendant l'ouverture de rideau annonçant son entrée en scène. Nous nous connaissons, un peu. Il est habillé simplement, en toge romaine, ses cheveux ondulant de reflets enflammés. Il s'approche, pieds nus sur un parterre d'herbes vertes sous un ciel bleu limpide, et engage le dialogue, avec un léger sourire.

Le Kay (K) : Bonjour à toi.

Cowa (C) : Bonjour.

K : Tu as vu celle que tu nommes l'amazone, avant moi. Quelles sont tes impressions ?

C : Elle m'a confronté à mes doutes, à mes faiblesses...

K : Mais aussi à tes forces. Rappeler au lion sa nature lorsqu'il est en cage n'est pas des plus agréables. Elle a exprimé ses choix. Quels sont les tiens ?

C : Quel choix a-t-on dans une cage ?

K : Ton choix est-il donc la résignation ?

C : Non. Je ronge mon frein et j'attends.

K : Tu invoques un roi pour lui dire combien tu es désemparé ? Montre-lui quelque chose qui vaille la peine de sa visite. Rugis donc de ta cage !

Je ne m'attendais pas à une telle provocation. Je ne réponds rien.

K : Le roi des animaux m'observe... Dois-je jouer le dresseur de fauve ?

Il secoue des barreaux imaginaires, et rit.

K : Tu t'attendais à une autre conversation ? Elargis tes perspectives et il en sera ainsi.

Les idées se bousculent dans ma tête et je reste silencieux. La Kay s'approche et me fixe du regard. Il scrute mon âme, tout autant qu'il ouvre la sienne. Sa détermination fait écho avec la mienne. J'en oublie le superficiel. La pesanteur doit s'effacer au profit de profondes racines qui permettent à l'arbre de se dresser vers le ciel.

K : Tu n'as pas à te sentir menacé par le moindre souffle qui te traverse. Ce n'est pas de poids dont tu as besoin, mais d'ailes ! Ces souffles doivent te porter et pas te renverser. Il ne tient qu'à toi d'en faire bon usage. Les subir ou les utiliser. Elève-toi au-dessus des brimades et des échecs. Tu peux voler au-dessus du vide au lieu de tomber. Prends de la hauteur. La seule cage qui existe est celle conçue par ton esprit. Sors de cette sécurité étouffante, étends tes ailes et suis les courants porteurs.

Un souffle porteur.

Il marque une pause, attentif à mes réactions.

K : Tu me fais parler pour t'inspirer. Parle donc en ton nom. Que n'as-tu faire des conseils de fantômes d'autres temps ? Les aïeux te soutiennent si tu restes fidèle à leur mémoire. Cette mémoire vibre en toi, dans tes gènes. Cela revient donc à rester fidèle à ta nature profonde. Ce que tu entendras de moi ne sera jamais qu'un reflet de ta vérité. Ne te confonds pas avec une idée. L'important n'est pas ce que tu vois mais ce qui te fait voir. Se définir une identité, une route, un choix s'apparente à tenter de mettre des mots à l'indéfinissable. Ce que tu es est indéfini, infini. Te définir est te réduire.

C : Tu sembles désirer te fondre dans une dimension plus grande que toi.

K : Le mental est une interface qui n'a pas à décider de l'identité de son inspirateur. Il peut être une griffe affûtée, aiguisée à volonté. Il ne reste toutefois qu'un outil incapable d’appréhender la dimension infinie de sa source. Tu es bien davantage que ton seul mental. Tu n'as pas à être prisonnier de son monde. Tu es l'initiateur du sien. Il ne réfléchit qu'à tes seules impulsions. C'est ce que fait votre télévision en réfléchissant dans votre mental des images étrangères. Fais-le taire et laisse tes impulsions le guider.

Il me laisse un temps.

K : Voilà. Il se calme et s'apaise. Regarde comme il est serein face à son maître. Les choix et les doutes s'évanouissent face à une certitude fidèle à ses racines. L'esprit et le coeur sont soumis à l'étincelle divine. Vibre à l'unisson avec le grand tout.

C : Pourquoi as-tu échoué dans cette voie ?

K : Je n'ai pas échoué, j'ai expérimenté. Mon règne est révolu depuis longtemps. Ce que j'ai fait n'est plus à faire. Mon entêtement a été ma perte et mon salut. J'ai été esclave d'une idée, d'un Empire qui refusait de disparaître au profit d'une aventure humaine qui ne pouvait plus se mouvoir par le poids de son inertie. J'ai rompu cette inertie au prix de ma vie. J'ai été tout au contraire de ce que mon mental aspirait à être. Serais-tu prêt à ce sacrifice ?

Destruction d'un socle inamovible.

C : J'ignore à quoi je m'expose et quelles sont les modalités du succès.

K : Dans le meilleur des cas, tu n'auras jamais qu'une vague idée des buts et effets à atteindre. Fie-toi seulement à ton instinct. Il guidera ton mental pour ouvrir les portes nécessaires. Tu sens déjà que le succès n'est pas là où ton mental l'attend. Incite-le à se décrocher de ses illusions. Elles sont issues de ton époque et de ta culture. Elles ne sont pas le fruit de tes aspirations profondes. Tu as grandi sur ce terreau, mais tu es davantage que la terre dont tu te nourris. Tu recomposes les éléments en un ensemble unique, dont l'identité découle avant tout de sa graine. Tu es à l'image de tes aïeux, tu n'es pas tes aïeux. Tu es le fruit de leurs passions, tu portes en toi la force qui fût la leur. Il t'appartient de l'élever vers de nouveaux sommets, là où les éléments t'auront poussé. Résiste, élève-toi, étends tes branches vers ton espace de liberté. Un arbre n'a ni besoin de mental, ni d'yeux pour savoir où s'étendre. Le succès de son élévation vient d'ailleurs. Il a fait sien la force des ses ancêtres et l'a employée à ses propres fins. Ton existence revient à une nécessité qu'ont invoqué tes aïeux. Sublime la matière, et soumets-la à ta volonté. La pierre se soumet à la gravité ou à la main qui la saisit. Saisis ta chance comme une pierre qui n'attendrait que ton bon vouloir pour être prise et taillée dans un dessein qu'elle ne comprendra jamais. Fais ce qui t'inspire, rien de moins.

C : Je dois donc me réapproprier mon mental en le déconditionnant de ce qui l'aliène.

K : Te sens-tu aliéné ?

C : Par la vie que je mène.

K : Et tu ne vois pas d'autre vie à mener ?

C : Si, plein d'autres.

K : Plein d'autres ? Comme la mienne ?

C : Pourquoi pas.

K : Et que ferais-je si je menais ta vie ?

C : Pourquoi mènerais-tu ma vie ?

K : Pourquoi mènerais-tu la mienne ?

Je ne réponds pas.

K : Tu n'as pas de réponse à mes questions, et je n'en ai pas aux tiennes. Parce qu'elles ne correspondent pas. Elles expriment nos différences et pas nos accointances. Tends-moi une perche à laquelle je puisse m'accrocher, comme tu dois tendre une perche à tout ce que tu espères accrocher. Ce que tu attends de moi, tu dois le proposer toi-même. Tu dois aimer pour être aimé. Tu dois te nourrir pour être rassasié. Avant d'expirer, il faut inspirer.

C : Je fais mais ça ne suffit pas.

K : La route est parfois longue et il faut donner du coeur à l'ouvrage. Nous partageons une même vision.

C : Et quelle est-elle ?

K : L'amorce du changement. Nous sommes un maillon de ce changement. Nous sommes un poids parmi d'autres. Nous devons peser dans la balance du changement. Au-delà du visible et du tangible, il y a des forces puissantes qui luttent pour imposer leurs visions, pour les faire converger en une ligne créatrice. Chacun d'entre nous a établi un plan d'action. Le mien est révolu mais ses effets se répercutent encore dans les abîmes du temps. Ton plan d'action est en cours.

C : Je suis en inertie.

K : Selon quel repère ? Celui de ton mental ? Tu ne le seras plus au moment où tu décideras de ne plus l'être. Ne pas faire c'est aussi laisser faire. Comme moi en mon temps, tu as le pouvoir d'engendrer par la pensée. Si tu laisses faire, c'est que les choses vont dans le sens de ton plan. Il faut savoir attendre le bon moment pour saisir. Tu ignores la teneur exacte de tes plans, mais la vie te positionne petit à petit. Ce n'est pas en courant après une mouche qu'on l'attrape. C'est en l'observant immobile, attentif à ses mouvements, positionné au bon endroit, prêt à saisir sa chance quand elle se pose à portée. Un chasseur n'a besoin que d'un seul geste pour atteindre sa proie.

C : Tu veux que j'attrape une mouche ?

S'enraciner au bon endroit.

K : Il y a des nuisibles qu'il vaut mieux éviter de laisser circuler, ou des moments qu'il ne vaut mieux pas laisser passer. Tu vis une époque charnière. Tu n'as pas à t'exposer face à l'ancien monde. Aie confiance en tes inspirations. Prends conscience de tes respirations et ne laisse rien d'étranger les contrôler. L'appréhension et la peur coupent le souffle. Ce sont des émotions étrangères accompagnant un manque de confiance. Il faut savoir dépasser ces émotions aliénantes pour appliquer le meilleur geste. Imagine l'avenir avec confiance et inspiration, et il se présentera comme tu le souhaiteras. Ce que tu veux exprimer par mon intermédiaire, tu dois l'énoncer directement et distinctement. La parole t'appartient.

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