samedi 3 août 2013

Musclons nos prières


Quand sa force ne suffit plus, il faut faire appel à quelque chose de plus grand.

Voilà mon constat, après une errance prolongée. J'ai fait l'erreur de me reposer sur les facultés à la mode qu'on nous exhorte à développer à l'excès. Tel un crabe violoniste, à la pince disproportionnée, nous déséquilibrons notre être et sa marche naturelle. Pire, nous normalisons les difformités sociales dans des équilibres illusoires.

 C'est ici la réunion des monstres ?

Pas facile de se transformer en calculatrice bodybuildée bien dans sa peau. J'ai oublié dans mes calculs l'amour et l'espérance. Nos performances explosent les compteurs, mais nous nous handicapons, et limitons nos autres potentiels.


Il y a une différence entre l'idéal et la réalité.


Au-delà de la frime ou d'un esthétisme discutable, la course aux performances nous déforme selon l'amplitude de l'exercice répété. A défaut de pouvoir mener une vie équilibrée, nous nous déformons pour être le meilleur quelque part. Spécialisation à outrance et expertise exacerbée. Le monde du travail nous y pousse. Nous nous formons à être un expert dans un domaine d'activité. Aiguiser son outil est une bonne chose, mais nous perdons en harmonie. Un psychiatre devrait être tout autant médecin que psychologue, et même bien davantage. Soigner l'âme humaine demande une subtilité et une sagesse générale, tout comme le métier d'enseignant et bien d'autres.

Les philosophes grecs étaient autant mathématiciens, que scientifiques, astronomes, théologues, politiques, artistes, alchimistes, et je ne sais quoi d'autre.

Se reposer sur une expertise disproportionnée est une erreur. Il faut avoir une vision d'ensemble. Pour comprendre un effet il faut pouvoir aborder toutes ses causes. Les archéologues qui mènent leur enquête au nom de l'Histoire, doivent se référer aux logiques de la géologie, la biologie, l'architecture, etc. Cela n'empêche pas d'être spécialisé dans un domaine plutôt qu'un autre. Je condamne l'excès grandissant des domaines d'expertise.
Nous composons une société d'idiots utiles.

Utiles à quoi ? Pas à concevoir une meilleure civilisation. La dichotomie entre vie privée et vie professionnelle devient abyssale. Nos enseignements ne se préoccupent plus de former des adultes autonomes et conscients. Nous élevons des êtres soumis et dépendants, aptes à faire ce qu'on leur demande.

La devise de l'Académie de Platon aurait été "Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre". Malgré l'exigence affichée, la géométrie, pas plus que les autres sciences mathématiques, n'est une fin en soi, mais seulement un préalable destiné à tester et développer la capacité d'abstraction de l'étudiant. Le support mathématique est une force logique. Rien qu'en lisant ce texte vous théorisez une réflexion abstraite et complexe. L'agencement des mots, de l'argumentation, et des idées demandent chez vous une compétence minimale d'abstraction, d'organisation intellectuelle, et d'assimilation. Philosophie, mathématiques, et même musique, ne sont pas antinomiques.

Réfléchir sur ce que l'on souhaite vraiment est le préambule d'une prière exaucée.

Aujourd'hui, on se demande pourquoi perdre son temps à apprendre des langues mortes, ou à faire travailler les mathématiques à des littéraires. Nous sommes dans un pragmatisme infernal, dans une expertise forcenée, où l'impression de temps perdu est intolérable. Pourtant, nous n'avons jamais autant perdu de temps. Que faisons-nous réellement de tout notre si précieux temps ? On en trouve à peine pour dormir, se nourrir ou éduquer ses enfants.

Le pire de tout est qu'il existe des gens qui perdent leur temps à prier. A la rigueur, la méditation permet d'optimiser ses performances, mais la prière ?! Il faut vraiment être au fond du trou pour cela...

J'ai réalisé que le développement de mes facultés étaient insuffisants pour atteindre mes buts. S'ensuit une logique de fatalisme et de désespérance.

La prière cible une intention et un espoir. En priant, vous vous demandez ce que vous voulez vraiment, de la manière la plus sincère possible. Vous recadrez vos intentions. Avant de prier, on se demande le pourquoi de cette prière. Puis on la répète, on l'exerce, telle une méthode Coué d'auto-suggestion. On affirme sa prière, on affirme son être et son vouloir.

Une prière efficace doit être la plus honnête possible, en harmonie avec sa nature. Il faut s'ouvrir aux flux des pensées, au monde qui vit en nous et à travers nous. Tel un nageur, il est inutile de chercher à nager à contre courant. Développer sa volonté et ses muscles a une limite utile. S'ouvrir à sa sensibilité permet de bien meilleurs résultats. L'intelligence du cœur peut nous dicter la meilleure conduite à mener, au-delà d'un entêtement stérile. Notre cœur est le plus beau des muscles. Cherchons-nous à déplacer des montagnes ou simplement à continuer notre route ? Cherchez la source de votre intention. La force et le savoir ne sont que des moyens, pas une fin. Pourquoi gonfler autant ses muscles ? Pour seulement gonfler son ego ou combler un vide intérieur ?

Je prie pour mon salut, en harmonie avec le monde auquel je crois. Il faut être affirmatif et décidé. Laissez-vous guider par votre instinct, les battements de votre cœur. Les sentiers confus où nous entraîne le rationalisme excessif ne nous laissent voir que si peu de notre monde intérieur. Prenons le temps d'explorer un au-delà du verbe vulgaire et du chiffre abêtissant. Il y a un autre verbe qui vit en nous. Il porte en lui une chaleur rayonnante. Il est l'origine du souffle. Il est le miracle qui nous anime.

Comment exprimer cette magie qui nous habite ? "Aimer, c'est la moitié de croire", a dit ce cher Victor Hugo. Croyez en vous, ayez confiance en cette force d'amour. Écoutez l'espoir qui vibre en nous. Il est là. Il pulse calmement, résolument. Il sait, sans un mot. Il est présent, entier.

A quoi bon forcer sans comprendre ? On veut forcer nos désirs, alors que notre foi est si ténue et intangible. Pour élaborer des prières universelles et intelligibles, il faut muscler notre foi, il faut prier avec notre cœur, et pas notre tête. Il faut s'abandonner à une plus grande dimension. Donnons sa chance à notre cœur de donner une force juste à notre volonté. Son rayonnement doit faire mûrir l'éclat de nos idées. Cette créativité doit faire naître l'idéal auquel nous aspirons tous, sans pouvoir lui donner le même visage. Ce sera celui d'un enfant qui pourra sourire à l'avenir. Et ce sourire, il faut l'inspirer par le nôtre.

L’ambiguïté de la prière, entre demande et piété, de la candeur à la maturité, le chemin qui s'ouvre à nous ne dépend que de ce que nous croyons être un chemin meilleur que les autres.

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